Hénin-Beaumont, mai 2018

Cité Darcy, samedi après-midi. Dans cette ancienne cité minière du sud d’Hénin-Beaumont, nous échangeons avec Sébastien, ouvrier dans l’automobile depuis plus de 20 ans. « L’Europe ? On subit ! Regardez le dumping social, les travailleurs détachés polonais qui viennent bosser au SMIC : certes, ils vivent mieux que dans leur pays, mais nous ? »

Partout, les mêmes témoignages. L’Europe, on n’y croit plus. Ou plutôt : on aimerait y croire, on sait que c’est important, mais on a le sentiment d’être perdants. A Hénin-Beaumont, en 2014, 61 % des inscrits se sont abstenus aux élections européennes. Plus de 3 jeunes sur 4 n’ont pas voté. Résultat : la moitié des parlementaires européens dans la région Hauts-de-France sont du Front national.

Alors avec une trentaine de marcheurs, nous étions la semaine dernière à Hénin-Beaumont pour une opération de porte-à-porte dans le cadre de la Grande marche pour l’Europe. Venus de région parisienne, de Belgique et bien sûr du Pas-de-Calais, nous n’étions là ni pour juger ni pour convaincre. Nous étions là pour écouter.

Et qu’avons-nous entendu ? Beaucoup d’indifférence, il est vrai. Ce sentiment obstiné que voter ne change rien, que l’Europe et la mondialisation alignent toujours vers le bas. Mais parfois aussi, des espoirs subtiles, des attentes sincères, comme cette dame âgée qui nous intimait de « surtout garder l’euro ! Moi, j’ai connu le franc, l’inflation, aujourd’hui il y a au moins la stabilité ».

Puis, au fil des discussions, les idées fusent. Harmoniser le prix des paquets de cigarettes pour éviter la contrebande, nous suggère ce buraliste. Lutter plus sévèrement contre la fraude fiscale des grands groupes et instaurer progressivement un salaire minimum européen, esquisse une mère au foyer. Mieux éduquer au fonctionnement des institutions européennes, propose un lycéen.

Et toujours ce même mot pour conclure : « merci ». Merci, non pour avoir fait le déplacement, ni même pour avoir pris le temps. Mais merci, peut-être, de comprendre que l’Europe ne se décrèterait plus d’en haut. Merci pour ne plus subir.

Alors on objectera qu’une journée de porte-à-porte ne fait pas un projet. Que des témoignages ne font pas une élection. Et c’est vrai. Après le porte-à-porte viendra le temps du projet ; après le projet, celui des coalitions. Mais comprenons cela : c’est par le terrain que tout commence. Et c’est par Hénin-Beaumont que nous refonderons l’Europe.

Rayan Nezzar, engagé à La République en Marche

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