1914 - 2018 : Les leçons de Sarajevo

C’est là, au croisement de la rue Zelenih et du pont Latin que notre histoire a basculé.

 

Par une matinée ensoleillée de juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, et son épouse Sophie Chotek venaient visiter Sarajevo.

 

Gravilo Princip et ses six complices, des nationalistes serbes, s’y reprirent à deux fois. Une première bombe lancée près du pont Cumurija manqua sa cible. Les époux sont accueillis à l’hôtel de ville avant d’aller déjeuner. Lors de son deuxième passage, à onze heures, le cortège est rattrapé par Princip qui tire à deux reprises. Conduits à la résidence du gouverneur, les époux succombent à leurs blessures quinze minutes plus tard.

 

Dans son ouvrage The Guns of August, l’historienne américaine Barbara W. Tuchman décrit l’engrenage infernal qui suivit. Bien sûr, les causes du premier conflit mondial sont multiples et l’assassinat de Sarajevo n’aura servi que d’élément déclencheur. Bien sûr, les haines étaient déjà trop aiguisées, les alliances formées, la guerre attendue sinon espérée dans trop de chancelleries européennes.

 

Pourtant, c’est le 28 juin 1914 que tout aura basculé. S’en suivrait une guerre civile européenne de trente années et dont nos mémoires collectives portent encore le souvenir meurtri.

 

Pourtant, hier comme aujourd’hui, la même insouciance saisissait les badauds arpentant les rues de Vienne, de Paris ou de Londres. La même évidence s’imposait lorsque les élites politiques et intellectuelles tenaient la paix pour acquise.

 

L’écrivain anglais Norman Angell n’avait-il pas publié en 1910 un best-seller international, La Grande Illusion, où il soutenait que la richesse moderne née du commerce et l’imbrication économique mondiale rendrait la guerre absurde ? Qui pouvait alors imaginer cette illusion bientôt balayée ?

 

Et aujourd’hui, alors que les nationalismes regagnent en vigueur, alors que les querelles et parfois les colères agitent notre Europe, qui peut dire ce que sera notre avenir ?

 

Le XXème siècle, malgré son cortège de douleurs, nous aura transmis un legs précieux : la construction européenne. Sans doute reste-t-elle imparfaite. Bien sûr, elle est critiquable.

 

Mais que la mémoire de Sarajevo, une ville d’où jaillit l’explosion de 1914, une capitale qui subit entre 1992 et 1996 un siège deux fois plus long que Stalingrad, une métropole qui aspire aujourd’hui à l’intégration européenne, que Sarajevo nous rappelle combien cette Europe nous est précieuse. Et combien la paix dont notre génération hérite est inédite à l’échelle de notre histoire.

 

Puisse cette mémoire nous inspirer dans les semaines et les mois à venir, qui seront si décisifs pour notre avenir commun.

 

Tribune publiée sur Medium : https://medium.com/@Rayan_Nezzar/cest-l%C3%A0-au-croisement-de-la-rue-zelenih-et-du-pont-latin-que-notre-histoire-a-bascul%C3%A9-2636cf81f2e1?source=linkShare-f1aa55971878-1534997697

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