Entretien avec Challenges

Vous avez été un porte-parole éphémère de LREM durant 5 jours. Pouvez-vous nous raconter cette période agitée?

Je suis nommé jeudi soir. Dans l'heure qui suit, je reçois un tombereau de messages racistes, comme d'habitude, de la fachosphère, ainsi que les premières captures d'écran disant : "c'est quand même étonnant, vous avez un jour en 2012, proféré une injure". Honnêtement les comptes anonymes sur Twitter qui vont déterrer des archives de 2011, ils sont très déterminés. Ils le font dans un but politique.

Après, bien sûr, cela a été mon erreur. Il ne faut pas s'exprimer comme cela ni sur internet ni dans la vraie vie. Ensuite quand on est jeune et qu'on s'engage en politique, il faut faire attention à l'emprunte numérique que l'on a. Je l'ai appris à mes dépens, j'espère que d'autres l'auront appris avec cette histoire. C'était une erreur et j'ai pris mes responsabilités au vu de la polémique. Lundi à 17 heures, j'ai eu une réunion avec Christophe Castaner. On s'est dit qu'il fallait arrêter là vu la proportion que cela prenait.

 

De l'extérieur, on a l'impression que la polémique a été très mal gérée par LREM avec les propos prêtés à Christophe Castaner pour vous défendre expliquant que vous étiez "un jeune de Montreuil"...

Le soir-même, après l'article de BuzzFeed, je présente mes excuses les plus sincères. Ces tweets ne sont pas représentatifs de la personne que je suis. On a dit que j'étais une racaille, un sexiste, un homophobe ou un antisémite. C'est un peu gros comme portrait. Je m'attendais plus à des critiques politiques car je viens de la gauche et que j'ai rejoint LREM.

Honnêtement, j'étais un jeune étudiant. Vous n'avez jamais dit des mots de travers quand vous étiez jeune ? Je confesse en avoir dit quelques-uns. On a parlé de 5.000 tweets. Mais en réalité la majorité concernait ma vie privé. Je suis reconnaissant aux journalistes qui n'ont pas sortis les tweets, contrairement à la fachosphère. J'avais juste oublié ces tweets, c'est pour cela que je ne les ai pas effacés avant.

Du coup j'ai passé une nuit à faire le travail que j'aurais dû faire avant en supprimant tous mes tweets privés. Dix jours après cette polémique, plus personne n'en parle. C'est l'écume des choses mais j'ai assumé mon erreur. La vie politique est longue et elle ne se résume pas à un poste ou une fonction. Je garde mes convictions, j'ai reçu énormément de messages de soutien de personnes qui me connaissent.

Comment s'est passé votre nomination ?

Christophe Castaner prépare le congrès de Lyon du 18 novembre 2017. Durant la campagne, je me suis occupé du programme pauvreté et des sujets économiques et sociaux. Je pense qu'il a été regardé les personnes qui ont contribué à la campagne et qui voulaient et pouvaient continuer à aider. On a travaillé ensemble sur la structuration de ce mouvement jeune qui n'a pas encore d'élus locaux. Je ne voulais pas être salarié du QG. J'ai animé durant la campagne beaucoup d'ateliers et de formations. Christophe Castaner m'a ainsi proposé d'être porte-parole de la République en marche.

Vous avez accepté car c'était une bonne opportunité de carrière ?

Ce n'était pas pour ma carrière, c'était bénévole et ce n'était pas une fonction élective. Je ne raisonne pas en matière de plan de carrière. Si j'avais eu un plan de carrière, je n'aurais jamais tweeté en étant étudiant. Je me suis dit : j'ai des convictions, j'ai des engagements, cela fait un an et demi qu'on porte des idées qui ont un écho. C'est un vecteur extraordinaire pour aller convaincre les gens.

De quoi va être fait votre avenir ? Vous restez à LREM et voulez continuer à faire de la politique ?

Le premier réflexe suite à cette polémique c'est de se dire: si c'est ça la vie politique et médiatique, très peu pour moi. Le deuxième c'est que je donne cours à des gamins dans des associations et qu'est-ce que je vais aller leur raconter désormais ? Si moi avec mon parcours, je laisse tomber car je suis abattu, quel exemple je donne pour les autres ? Même si mon itinéraire est rare, il doit devenir normal. A mon rythme, j'espère pouvoir continuer à être utile et avoir une voix dans le débat public. Même sans être porte-parole, ma voix peut porter.

Est-ce que le début de quinquennat d'Emmanuel Macron vous satisfait notamment en matière sociale, vous qui avez participé à sa campagne sur ce thème ? Emmanuel Macron avait annoncé en juillet que "d'ici deux ans, plus personne ne sera obligé de dormir sur le trottoir". Pourtant l'objectif semble loin d'être atteint.

Ce n'est pas possible de résoudre d'un coup de baguette magique les 150.000 personnes qui sont sans abris en France et les 4,5 millions de mal logés. Les objectifs sont de développer les logements autonomes et d'arrêter de mettre les gens dans des chambres d'hôtels indignes. Le gouvernement choisit de favoriser l'accompagnement et l'offre de logements. Le programme est en train d'être déroulé : on ne fait pas du palliatif avec les minimas sociaux car cela ne suffit pas, il faut également prévenir la pauvreté et les inégalités. Honnêtement une des choses qui m'a fait me dire que j'étais à ma place chez LREM, c'est que la classe de l'école où j'ai grandi à Montreuil a été dédoublée en CP.

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